C’est par référence à cette moitié de soleil jaune, cousue sur les manches des militaires de l’armée de la petite et éphémère république du Biafra, que l’auteur a choisi son titre. Ce gros roman se déroule lentement, sur une dizaine d’années. C’est une sorte d’analyse sociologique et affective de deux cellules familiales de la haute société Nigériane, membre de la tribu dominante des Igbos, et qui vont peu à peu se laisser emporter par l’idéal d’une république du Biafra indépendante et autonome et se faire emporter par la guerre et ses horreurs.
Nous sommes à Lagos, capitale du grand Etat du Nigeria au début des années soixante. Olanna est une grande femme séduisante, diplômée d’une grande université Britannique, libre et indépendante. Elle va tomber amoureuse d’un universitaire mathématicien noir, aux idées socialistes avancées, Odenigbo, et le suivre au grand dam de se parents, membres de la haute bourgeoisie locale et faisant affaires avec tout ce qui compte au Nigeria.
Sa sœur jumelle Kainene est plus distante, moins attirante. Elle se consacre totalement à faire prospérer les entreprises de son père et à développer de nouveaux marchés. Richard, écrivain et journaliste laborieux, britannique blond et séduisant, va éprouver un coup de foudre absolu pour elle en même temps qu’il tombe amoureux des bronzes antiques igbo et décide d’y consacrer un livre. Ils vont vivre l’expérience rare à l’époque d’un couple mixte.
C’est à travers ce quatuor, complété de l’indispensable Ugwu, boy de treize ans et enfant surdoué, artisan infatigable de la cohésion du quatuor, que l’auteur va s’attacher à décrire les différents rouages qui ne pourront que conduire à l’explosion du Nigéria et à l’effroyable génocide qui engloutira le Biafra.
Le livre possède une réelle sensibilité féminine et l’on sent que Chimamanda Ngozi Adichie est d’ailleurs beaucoup plus à l’aise pour analyser et mettre en scène la difficulté pour une femme à aimer malgré l’infidélité ou l’adversité, qu’elle ne l’est avec ses personnages masculins plus simples et moins tourmentés. Il en résulte un déséquilibre gênant entre l’extrême précision des affres qu’elle décrit avec compassion pour ses personnages féminins et un tableau plus sommaire des tourments qui peuvent agiter les hommes en toute chose. C’est un des éléments qui m’a le plus perturbé dans ce roman qui devrait cependant conquérir largement un public sensible aux belles histoires, au romantisme, à la grandeur de la défense des causes nobles mais perdues d’avance.
L’aspect le plus intéressant, de mon point de vue, tient à l’analyse pertinente et approfondie des rapports complexes qui lient l’élite Nigériane et la Couronne britannique. On voit bien le jeu de la Couronne pour monter la majorité Hassoua du Nord contre les Igbos du Sud, les rapports d’admiration et de rejet de l’intelligentsia noire vis-à-vis de l’ex colonisateur, l’emprunt et la reproduction du mode de vie des Blancs par les nantis locaux. Lorsque les Igbos commencèrent à devenir puissants et menaçants, il suffit à la Grande Bretagne d’organiser la haine tribale pour retrouver la main-mise sur le pétrole et les richesses d’un des plus grands Etats de l’Afrique noire. Autre temps, autres mœurs : pas sûr, souvenez-vous du Rwanda…
C’est à l’occasion des crises majeures que les véritables personnalités se révèlent. Chacun des cinq personnages principaux qui habitent ce roman en permanence va peu à peu se révéler, chacun à sa façon, se dépasser en faisant don de soi, en renonçant à la facilité pour le bien d’une cause supérieure. La vie quotidienne en temps de guerre et de famine est particulièrement bien rendue dans ce roman où l’expérience familiale de l’auteur fut une source concrète d’inspiration. Les scènes de bombardement, de pillage et de viols recèlent une véritable intensité dramatique et procèdent d’un réalisme terrifiant.
Il en résulte un livre certes bien écrit mais un peu convenu, parfois presque prédictible, un roman qui pourrait parfaitement inspirer une saga télévisée à succès et bien menée. Il trouvera donc son public comme en atteste l’attribution de l’Orange Prize.
Nous remercions :
La Librairie Les Beaux Livres 61, rue Votaire 92300 LEVALLOIS-PERRET que vous pouvez contacter via courriel librairie@lesbeauxtitres.com
Pour avoir mis à notre disposition cet ouvrage.
Publié aux Editions Gallimard – 500 pages
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- Thierry Collet
- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
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