6.4.13

Une larme m’a sauvée – Angèle Lieby



Voici un témoignage des plus émouvants que tout un chacun devrait lire. Celui d’une femme, Angèle Lieby, dont la vie m’a basculé tout à coup comme cela pourrait arriver à n’importe qui. Jusqu’ici, Angèle, âgée de cinquante-sept ans, a mené une vie sans grands problèmes. Elle bénéficie d’une bonne santé, fait du sport, participe régulièrement aux dix kilomètres de Strasbourg où elle habite, part avec son mari faire de longues courses en montagne l’été, exerce un métier assez physique sans jamais se plaindre.

Mais en cette veille de quatorze Juillet, elle est prise d’un mal de tête violent et qui ne passe pas. A tel point qu’elle se fait conduire par son mari à l’hôpital où l’on ne trouve rien et est sur le point de la renvoyer avec un brin de moquerie envers une patiente que l’on trouve bien douillette. Et puis c’est le grand trou noir. Quand Angèle revient à une forme de conscience, elle réalise par les propos tenus autour d’elle qu’elle est dans le coma, en réanimation, placée sous respirateur artificiel. Elle induit aussi que les médecins sont incapables de la diagnostiquer, qu’ils ne comprennent pas ce qui a pu se passer. Car Angèle, bien que totalement végétative, incapable du moindre mouvement, ne réagissant à absolument aucun stimulus entend tout ce qui se passe autour d’elle.

Commence alors un long calvaire où son angoisse fondamentale est qu’on l’incinère vivante non sans lui avoir prélevé au préalable divers organes car elle est donneuse. En effet, les médecins sont tellement persuadés qu’elle est en état de quasi-mort qu’ils ont même ordonné à son mari de s’occuper de ses obsèques et de prendre toute disposition puisqu’elle n’en a que pour quelques jours tout au plus.
Grâce à l’amour extraordinaire de son mari et de leur fille énormément présents auprès d’elle, grâce au refus aussi de son époux de se résigner et de la considérer comme perdue, elle va finir par trouver la force de faire couler une minuscule larme que sa fille saura voir et qui changera tout d’autant qu’un microscopique mouvement d’un petit doigt viendra nier à nouveau l’évidence médicale qui la considérait comme presque morte et sans espoir de guérison quelconque.

Soutenue par cet amour et par une équipe médicale qui change alors de posture, elle parviendra progressivement au bout d’une année, à force de volonté farouche, à revenir à une vie quasi normale avec une obsession en tête, celle de témoigner au nom de tous ces gisants considérés comme perdus à jamais. Témoigner qu’un malade a priori inconscient n’est pas un objet mais un être vivant qui comprend ce qui se passe autour de soi, qui souffre lors de soins à la imite de la barbarie et dispensés à la va-vite parce que les équipes sont débordées ou considèrent que le patient ne ressent rien, donc pourquoi le traiter avec délicatesse. Témoigner aussi que l’on peut s’en sortir grâce à la volonté, sous condition d’amour familial et du soutien indéfectible d’une équipe de soignants qui porte un regard positif sur les malades. Témoigner aussi que certains médecins, certaines infirmières n’ont pas leur place en milieu hospitalier du fait de leur comportement ou de leurs propos dévastateurs.

Tout cela est dit sans haine, avec un souci de vérité, d’introspection factuelle, une capacité à affronter une souffrance extrême qui soulèvent admiration et compassion de la part du lecteur. Un décidément magnifique témoignage, rare et sincère.

Publié aux Editions les arènes – 2012 – 232 pages