Comme il m’arrive parfois, me voici embarrassé au moment de
rédiger la note de lecture du dernier roman de Somoza, auteur d’origine cubaine
et vivant à Madrid. Ce roman qui s’inscrit de façon caractérisée dans le type
« heroic fantasy » a su captiver mon attention, durant les cent
premières pages avant que de me lâcher progressivement, au point que la lecture
des cent dernières devint peu à peu un petit calvaire… La faute sans doute à
une multiplication de situations improbables, de coups de théâtre baroques à
répétition et de parti-pris manichéen qui laisse systématiquement la part belle
aux gentils. Bref, l’overdose m’a guetté de plus en plus férocement.
Comme l’auteur le conte lui-même dans sa note en postface, Somoza
a pris le parti de s’inspirer outrageusement de Lovecraft au point que la clé
du livre se trouve dissimulée en toute dernière page sous une habile référence
à son inspirateur (et cela c’était particulièrement bien trouvé, avouons
le !).
D’où un monde de terreur situé dans un futur lointain qui a
vu et survécu à une quasi destruction de notre planète. Dans ce monde du futur
inquiétant co-existent des humains comme vous et nous, fortement minoritaires,
et des êtres fabriqués et sélectionnés de façon bio-génétique, conçus chacun
pour présenter des caractéristiques prédéterminées et répondre à un souci
d’esthétique formelle systématique. Un monde où une religion unique domine
après l’effacement du continent américain suite à la fonte des pôles. Une religion
entièrement fondée sur la Bible de l’Amour, organisée en quatorze chapitres
abscons et antinomiques.
La plupart des humains adhèrent à un ou deux de ses
chapitres et les meilleurs, les plus aguerris en tirent des pouvoirs quasi
surnaturels fondés sur la croyance absolue. Les adorateurs de ces chapitres
passent bien entendu leur temps à s’entre-déchirer.
David Kean, jusque là obscur employé d’un train à la
technologie froide et abasourdissante, va devenir malgré lui le centre et
l’enjeu d’un combat entre factions décidées à trouver la clé de l’abîme,
c’est-à-dire le lieu secret où est censée se trouver la clé qui donne accès à
Dieu.
En étant choisi par un kamikaze décidé à faire sauter le
train pour lui confier un secret aussitôt effacé de sa mémoire, David Kean va
devoir faire face à une multitudes de dangers et à des choix qui feront
radicalement de lui quelqu’un d’autre au terme d’une série d’aventures
auxquelles on a du mal à croire.
Somoza, qui se nourrit auprès des bons auteurs de SF, va
alors nous entrainer sous les mers, dans
des grottes souterraines peuplées de démons, dans un Japon décimé et cauchemardesque puis en
Nouvelle-Zélande livrée à la merci de sauvages déchainés.
Violence et mort sont le lot permanent de ce roman qui
devrait ravir les amateurs du genre. Quant aux autres, ils risqueront bien de
décrocher tant les morts, vampirisés par les vivants, ressuscités en série et
les super-héros aux super pouvoirs débiles qui affrontent les précédents
finiront de décrédibiliser une aventure qui perd irrémédiablement son souffle
au fil des pages. On retournera prudemment aux Maîtres du genre plus soucieux
de laisser un peu plus de vraisemblance, la vie n’étant pas noire et blanche…
Publié aux Editions Actes Sud – 2009 – 381 pages