Commençons par rappeler, comme l’auteur le fait en exergue,
comment se définit l’idiopathie.
Idiopathie [idjopati] n f : Maladie ou
état qui apparaît spontanément ou dont la cause est inconnue.
De maladie sans cause véritablement connue et dont
l’apparition se multiplie comme autant de personnages, il est exactement
question dans ce roman déjanté, féroce, drôle et triste sur l’état de la
société britannique. Un roman prémonitoire de ce formidable non-sens et suicide
collectif qu’est le Brexit. Un roman où semble inexorablement sombrer la
jeunesse, et avec elle l’espoir, d’une nation que l’on voit en pleine dérive.
Pour illustrer cela, Sam Byers met en scène un trio. Au
centre, Katherine, une trentenaire exerçant un job sans véritable intérêt mais
avec une férocité certaine. Une fille qui, depuis qu’elle a été larguée par
Daniel, multiplie les aventures décevantes tout en pensant en avoir fini avec
les hommes. Il faut dire que la belle a un caractère de cochon fait de cynisme,
de manipulation perverse et de plaisir permanent à provoquer crises et disputes
au moindre prétexte. Pas facile dans ces conditions de trouver et garder un mec
bien…
Daniel semble quant à lui couler des jours heureux depuis qu’il
est en couple avec Angelica. Lovés dans un coquet pavillon de la banlieue
londonienne, ils gagnent correctement leur vie lui en tant que Directeur de la
communication d’un centre de recherche biologique. Mais derrière cette façade
de bonheur et de facilité se cachent les doutes, celui d’être avec la bonne
compagne, celui d’avoir largué Katherine, celui de défendre des intérêts
commerciaux légitimes, celui d’être devenu un bobo après avoir fréquenté les
cercles hippies. Et une incapacité à gérer les conflits ce qui va le mettre
dans des situations cocasses pour nous lecteurs, douloureuses pour lui acteur.
En orbite tourne Nathan, un paumé et loser total qui sort
tout juste d’un long séjour en hôpital psychiatrique pour s’être tailladé tout
le corps. Amoureux transi de Katherine, ami du couple avant sa disparition des
écrans radar, le voilà qui fait une réapparition inattendue lors de son timide
retour au monde. Depuis qu’il a renoncé aux drogues et aux mutilations, il erre
sans but et sans motif hébergé par ses parents.
Autour du trio gravitent des personnages secondaires tout
aussi paumés telle la mère de Nathan qui a décidé de faire de l’histoire de son
fils un best-seller ou bien encore un militant écologiste décidé à tout pour
pourrir la vie de Daniel en recourant à des moyens ridicules et
contre-productifs de contestation.
Et les vaches dans tout cela me direz-vous ? Elles
apparaissent ponctuellement, saisies d’immobilité, le regard fixe, promises à
une mort certaine par asphyxie, semblant contempler la catastrophe humaine et
en préfigurer le sort collectif : celui d’un naufrage inexorable et
résolu. C’est caustique, bourré d’humour anglais, et après un démarrage un peu
long et lent finit par trouver une convaincante vitesse de croisière menant au
précipice.
Publié aux Éditions Seuil – 2013 – 349 pages