11.10.20

Des jours sauvages – Xabi Molia

 


Il est probable que la crise sanitaire que nous traversons inspirera quantité de romans ou de films dans les trimestres et années à venir. Xabi Molia, romancier et réalisateur d’origine basque, dégaine parmi les premiers pour rejoindre – du moins tenter de rejoindre – certains de ses glorieux aînés tels McCarthy (La route) ou le plus récent « Dans la forêt » de Jean Hegland.

 

Nous voici donc transportés en des temps où une grippe mortelle s’est emparée de notre planète. Un virus foudroyant qui se propage à la vitesse de la lumière en semant panique, désastre et cadavres partout sur son passage. Dès lors, ceux qui n’ont pas encore été frappés tentent de fuir le fléau par tous les moyens. Une centaine de nos concitoyens sont ainsi parvenus, par la force, à embarquer sur un ferry en partance de Roscoff pour voguer vers l’inconnu. Ils finiront par échouer, sans contact avec quiconque, sans plus de carburant sur une île déserte sans avoir la moindre idée de leur localisation.

 

S’installer et survivre sur cette nouvelle terre d’accueil devient alors naturellement la préoccupation de ces survivants. Une préoccupation qui s’accompagne, immédiatement, des éternelles problématiques de toute communauté humaine : quel chef, selon quels critères, pour quels objectifs et quelles règles. Une question qui va devenir centrale dans tout le récit où la lutte pour le pouvoir, le conquérir, le conserver, l’assurer prend une forme obsessionnelle. Surtout si, comme ici, les dissensions surviennent du fait de personnalités excessives, déterminées à faire du pouvoir dont ils se sont emparé ou ambitionnent de s’emparer un moyen d’assurer une tyrannie et un contrôle exclusif des droits, avantages et devoirs.

 

Surviendront alors des schismes, un éclatement de cette communauté qui ne saura pas se serrer les coudes pour survivre ensemble, obnubilée qu’elle est par des croyances partisanes qui poussent ses membres à se déchirer avant de finir par s’entretuer. Car « Des jours sauvages » est avant tout et surtout une tentative d’analyse romancée de ce qu’est la profonde nature humaine : une nature belliqueuse, qui a besoin de dogmes et de chefs forts pour s’organiser, se structurer, avancer. Une nature qui favorise les jalousies, les trahisons, la perfidie en ce qu’elle institue la violence comme moyen ultime de faire valoir ses vues ou ses droits. Un état d’esprit atavique qui transformera toujours tout en un enjeu de conquête et de pouvoir, quels qu’ils soient.

 

Alors, certes Xabi Molia n’est ni Mc Carthy ni même Jean Hegland ou David Vann. Son style manque un peu de couleurs, son récit est parfois trop linéaire, la fin du roman un ton en-dessous. Mais les personnages y sont bien campés, les analyses psychologiques puissantes et pertinentes, la fiction parfaitement réaliste. Au final, c’est une forme d’un des mondes d’après, dont nous ne voulons absolument pas, qu’il nous propose avec une certaine force qui vaut qu’on s’y intéresse.

 

Le livre fait partie de la sélection du Prix « À livre ou verre » organisé par la librairie « Le point de Côté » à Suresnes.

 

Publié aux Éditions Seuil – 2020 – 255 pages