3.10.20

La chute des princes – Robert Goolrick

 

C’est en s’inspirant de sa propre expérience et en voulant expier une partie de sa vie à jamais révolue que Robert Gollrick a écrit « La chute des princes ». L’auteur amassa des sommes insensées en faisant de la pub avant que de tout perdre à force d’abus, de déconnexions de la réalité et d’un détachement de soi qui ne peuvent mener qu’à sa propre perte. Son personnage, Rooney, sera quant à lui un Prince de Wall Street. Un de ces jeunes gars, repérés sur les bancs de l’Université, ayant passé les épreuves un brin initiatiques de sélection avant de rejoindre l’une des plus prestigieuses maisons de la Haute Finance. Vous savez, une de celles, anonymes, qui n’ont aucun scrupule à jouer les intérêts de certains contre ceux d’autres pourvu que cela serve leurs intérêts à elles, à leurs clients et à leurs golden boys chargés d’élaborer scenarii et modèles mathématiques permettant de s’enrichir honteusement tout en se lavant des mains des conséquences nuisibles pour les victimes.

 

Rooney est un de ceux-là, un de ces magiciens de la salle de marché debout à l’aube couché tard dans la nuit. Un gars qui ne vit que pour l’argent, gagnant des sommes folles pour les claquer aussitôt avec sa petite bande de collègues aussi requins que lui dans une débauche continue d’alcool, de sexe et de drogues. Une addiction au billet vert et aux coups fumants qui en entraîne d’autres tout aussi dangereuses et perverses en ce qu’elles vous coupent insensiblement de la réalité. Alors, tant que tout va bien, tant qu’un brin de raison et d’auto-contrôle subsistent, on vit comme des princes. Accès illimité aux restaurants et aux salles de sport réservés à la jet-set, notes de restaurants et de boissons pharaoniques, consommation de filles superbes dont on a tout oublié dès le lendemain tant elles se ressemblent, tant on a perdu la notion du moindre sentiment humain.

 

Impossible, pour la plupart de ne pas perdre leurs âmes ou leur raison si on ne sait pas sortir du jeu avant qu’il ne soit trop tard. Certains quittent la table riches et passent la main. D’autres se brûlent les ailes, sautant dans le vide depuis leur bureau de la tour dorée ou bien perdant simplement la raison, pétant les plombs de façon de plus en plus spectaculaire jusqu’à se faire éjecter du jeu à plusieurs millions de dollars par an. Rooney est de ces derniers, un prince déchu ayant tout perdu, vivant seul dans son petit appartement minable après avoir connu le luxe absolu. Un type détruit par ce qui accompagne le succès et l’argent si l’on n’y prend pas gare et qui finira par trouver une sorte de repos en travaillant comme libraire pour la chaîne Barns & Nobles.

 

Au cours de constants aller-retours entre ces deux mondes que tout sépare, Richard Goolrick nous donne à voir la férocité d’un univers où la richesse et le pouvoir rendent fous. Un enclos d’auto-destruction et qui ne pourra que s’effondrer sur lui-même. Un monde où seul l’amour, dont l’auteur donne quelques témoignages aussi poignants que superbes par leur discrétion, peut encore sauver de l’abîme. Magnifique roman !

 

Publié aux Éditions Anne Carrière – 2014 – 231 pages