« Le mec de la tombe d’à côté » fit ce que l’on
peut aisément qualifier un carton en Suède où, sur un pays de 9 millions
d’habitants, il s’est vendu plus de 450 000 exemplaires !
Ecrit sur un ton volontiers humoristique et un peu décalé,
ce récit à deux voix se moque gentiment de ses deux personnages principaux
censés aussi représenter deux extrêmes de la classe moyenne suédoise et donc
servir de prétexte à un tableau décapant de ce que cette société, souvent citée
en modèle, peut réserver à ceux qui en sont à la marge.
Ce roman d’amour fait se rencontrer un homme et une femme
qu’a priori rien ne pouvait précipiter l’un vers l’autre. Elle, Désirée, est
bibliothécaire en charge du secteur livres pour enfants dans une bibliothèque
municipale. C’est une citadine accomplie qui, outre des lectures souvent
pointues, s’abreuve de théâtre et d’opéras. Elle se love dans son appartement
aseptisé et presque impersonnel.
Lui, Benny, gère comme il peut une forêt et une exploitation
agricole où vivent vingt-quatre vaches laitières qui lui donnent beaucoup de
fil à retordre. Depuis que sa mère est morte, il découvre les contingences
ménagères dont il ne se sort pas vraiment. La ferme où il demeure est
décrépite, inhospitalière et il subsiste grâce à l’attention continue d’un
couple de voisins agriculteurs eux aussi.
Désirée est une fraiche veuve d’un mari qu’elle n’a que très
moyennement aimé. Pour honorer une promesse qu’elle s’est faite, elle se rend
quotidiennement sur la tombe de son mari lors de sa pause déjeuner. La tombe
d’à côté est celle de la mère de Benny et constitue un concentré de kitsch et
de mauvais goût. C’est là que Benny et Désirée vont se rencontrer et
s’observer, enchaînant les malentendus ou prêtant des intentions fausses à
l’autre.
De ces petits riens et parce que Benny craque pour le
sourire de Désirée et que Désirée s’est laissée attendrir par une main amputée
de deux doigts de Benny va naître une improbable histoire d’amour.
Commencée presque par hasard, elle va se révéler être la
grande histoire d’amour pour ses deux êtres en proie à la solitude. Pourtant
tout les oppose et ils ne semblent rien partager en commun en dehors d’une
attirance passionnelle réciproque. Alors de cette situation naîtra une série de
scénettes extrêmement comiques où chacun tentera de faire l’effort d’accepter
l’autre dans son environnement qui lui est pourtant absolument hermétique et
incompréhensible.
Le rêve de Benny sera bien sûr de faire de Désirée la femme
dont il a besoin à la ferme pour le seconder. Celui de Désirée est de faire que
Benny cède cette ferme arriérée et qui enchaîne celui qui s’y laisse prendre.
De ces pensées de plus en plus clairement exprimées naîtra le conflit, la lente
dilution d’une histoire qui finira par rebondir comme un coup de théâtre parce
que l’amour est au bout du compte le plus fort.
Il en résulte un livre assez profondément féminin mais que
le public masculin pourra aussi savourer pour son humour caustique et la découverte
qu’il offre de la société suédoise moderne. Pourquoi l’éditeur en a-t-il
rajouté en nous imposant des pages roses, d’un assez mauvais goût et peu
pratiques à lire ?
Publié aux Editions Gaïa – 2006 – 254 pages