10.1.20

La clé USB – Jean-Philippe Toussaint



Découvrir un nouveau roman de Jean-Philippe Toussaint est toujours un moment de plaisir mêlé de surprises. Son dernier opus ne déroge pas à la règle même si, pour des raisons que nous allons expliquer, il n’est pas tout à fait au niveau de ses meilleures productions.

Travailler comme haut fonctionnaire à la Commission européenne à Bruxelles est un sort enviable. Fort bien rémunéré, on y côtoie dans un certain luxe le gotha tout en tentant d’améliorer le sort du monde et de protéger les intérêts européens en pondant directives et règlements à tours de bras. Quant au narrateur et personnage central du roman, il occupe la responsabilité du service de prospective. Un travail, dont JP Toussaint nous décrit les grands principes, qui consiste à élaborer des scenarii et de les probabiliser pour toutes les questions d’importance que les Commissaires Européens auront sélectionnées. Un travail qui a amené notre homme à s’intéresser de près aux techniques de blockchain et à la cryptomonnaie qui lui est souvent associée.

Une compétence qui lui vaudra d’être approché par des personnages aux intentions à peine voilées, décidées à profiter des largesses financières européennes pour subventionner une vaste manœuvre mafieuse au profit d’intérêts privés. Une tentative de corruption, à laquelle notre homme résiste, qui l’amène à se retrouver en possession d’une clé USB qui n’aurait jamais dû lui parvenir mettant encore plus au grand jour ce que notre expert soupçonnait. Commence alors un épuisant voyage vers la Chine et le Japon au cours duquel bien des illusions vont tomber et bien des menaces, parmi lesquelles une totalement inattendue pour le lecteur, devenir réalité.

Pour qui ne connaît ni le monde de la cyber-sécurité ni celui des règles qui gouvernent le fonctionnement de toute institution ou groupe international, il y a fort à parier que la lecture sera de bout en bout plaisante, le style inimitable de l’auteur fait de charme et d’auto-dérision supportant un récit romanesque plein de rebondissements.

Pour les autres, ils auront du mal à adhérer à la courte séance permettant de tester l’existence de backdoor en parvenant à ses fins avec une simplicité déconcertante. Pour toutes celles et ceux qui ont à subir la formation annuelle suivie d’un test obligatoires bourrant le crâne des collaborateurs de tous niveaux de ce qu’il convient de faire ou ne pas faire autour des questions de « compliance », transparence et de sécurité, il est probable qu’ils se diront, comme moi, que notre chef de service du jour aurait bien du souci à se faire tant il enfreint les consignes de base en cas d’approche de tiers et de soupçon de tentative de corruption. Bref, les initiés resteront in fine en dehors.

Publié aux Éditions de Minuit – 2019 – 191 pages