14.1.20

L’âge de la lumière – Whitney Scharer



Avec ce roman historique, Whitney Scharer nous offre une formidable plongée au cœur du Paris artistique, surréaliste et dadaïste des années 20. Regorgeant de détails puisés aux meilleures sources, l’auteur nous place aux côtés des grandes figures intellectuelles de cette époque dont nous découvrons la face cachée, intime, les ressorts qui nourrissent souvent leurs créations artistiques.

Jusque-là, la jeune Lee Miller avait mené une vie de mannequin recherchée et adulée pour l’édition américaine de Vogue. Cette icône de la mode, poussée par un père possessif, va décider de tout lâcher, âgée d’une vingtaine d’années pour venir s’installer à Paris et y peindre.

Très vite à court de ressources et toujours accompagnée d’un petit appareil photo, elle s’initie peu à peu à cette discipline qui la mènera, par le hasard des rencontres dans le Paris des années folles, dans le studio d’un certain Man Ray, alors portraitiste recherché. Elle en deviendra l’assistante, le modèle et, assez rapidement, la maîtresse. Commence alors une relation passionnelle, intense dans laquelle l’élève inspirera le maître en même temps qu’elle en apprend tout en le sublimant bientôt à sa manière.

D’une nature viscéralement jalouse, Man Ray fera tout pour empêcher la reconnaissance du talent de sa maîtresse voire s’en approprier certains travaux. C’est sa jalousie maladive aussi qui finira par causer le naufrage d’une relation trop passionnelle et perverse pour survivre à la volonté de reconnaissance, d’émancipation et d’indépendance de sa muse.

Lee Miller deviendra alors une photographe reporter qui sillonnera les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale aux côtés des armées américaines. Figurant parmi les premiers contingents venus libérer les camps de concentration, elle restera hantée par les images prises sur place. Psychologiquement fragile, alcoolique et menant une vie de bâton de chaise, elle finira comme l’épouse déclassée, retirée dans la campagne anglaise, de Roland Penrose, figure de proue de la peinture surréaliste anglaise, publiant des chroniques gastronomiques pour le compte de l’édition anglaise de Vogue.

Au-delà de la découverte détaillée de la vie artistique parisienne d’une des périodes créatrices les plus fécondes du siècle dernier, Whitney Scharer réussit l’exploit de nous faire ressentir au plus profond les émotions, les peines et les joies, les doutes et les questionnements, les incessants tâtonnements de tous ces personnages d’exception dotés d’une psychologie agitée sans cesse traversée par des tempêtes bouleversant tout. Une formidable réussite.

Publié aux Éditions de l’Observatoire – 2019 – 441 pages