11.2.20

Tout est possible – Elizabeth Strout



C’est l’émoi dans la petite ville d’Amgash au fin fond de l’Illinois depuis la publication d’un nouveau livre par Lucy Barton, une fille du patelin devenue écrivain célèbre installée à New-York. Un émoi d’autant plus justifié que le livre, dont nous ne saurons pas grand-chose, traite de la vie et des gens d’Amgash. Or, il n’y a rien de moins apprécié dans le Middle-West que d’être pointé du doigt ou de trop parler de soi…

Pourtant, le propos du roman d’Elizabeth Strout est précisément de parler de ce que l’on tait, de révéler que tout est possible même l’improbable, même le laid, même la réussite qu’on n’aurait jamais prédite. Empruntant le corps et les pensées de nombreux personnages principalement centrés autour de Lucy Barton qui sert ici simplement de prétexte, Elizabeth Strout nous fait entrer dans l’intimité de chacun et des familles. Une intimité où les blessures narcissiques sont nombreuses pour la plupart du temps issues d’une enfance traumatisée par les violences physiques ou sexuelles subies.

De sexe il est d’ailleurs presque toujours question. Rarement comme une forme d’épanouissement et de jouissance. Presque toujours au contraire comme une épreuve imposée et subie, comme une effraction de l’autre en soi, comme une brisure d’une enfance partie trop tôt basculant sans transition dans ce que le monde adulte a de plus sordide. Du coup, tous ces personnages marchent en claudiquant dans une existence sans joie, terne. Presque tous ont fait les mauvais choix de mariage, de métier, de vie parce que manquant de confiance en eux-mêmes, brisés par des parents malfaisants ou des conflits armés lors desquels certains ont dû commettre et voir des atrocités dont ils ne se sont jamais remis. Oui, tout est possible, surtout le pire semble dire ici l’auteur dont le roman constitue une sorte de suite à « Je m’appelle Lucy Barton ».

Pour autant et malgré le succès considérable du livre aux États-Unis, j’avoue être resté en dehors du récit qui n’a guère réussi à me toucher. La faute à des personnages auxquels on ne s’identifie pas tant ils semblent se situer aux antipodes de nos propres vies. La faute aussi à une écriture manquant de relief et dont la relative platitude n’a cessé de me surprendre quand on sait qu’Elizabeth Strout reçut le Prix Pullitzer en 2009.

Publié aux Éditions Fayard – 2018 – 297 pages