28.2.20

Underground railroad – Colson Whitehead



 Le traitement réservé aux esclaves dans les États du Sud de l’encore jeune nation américaine fut, on le sait amplement désormais, une honte absolue et un affront indélébile aux principes humanitaires les plus élémentaires. De nombreux romans et films ont été consacrés à ce long épisode qui ne prit fin qu’après la non moins épouvantable Guerre de Sécession.

Ce que l’on sait moins (voire pas du tout), c’est que certains Blancs implantés dans ces États esclavagistes, révoltés par ce qu’ils voyaient se passer sous leurs yeux, entreprirent de coopérer avec des hommes ouvertement hostiles à l’esclavage, installés pour leur part dans les États du Nord, en vue d’apporter une aide efficace à celles et ceux qui tentaient de fuir les plantations de coton et leurs conditions de vie, en tous points redoutables. Parmi les moyens mis en œuvre figura la construction d’un véritable chemin de fer souterrain, avec son système de gares secrètes souvent situées dans le sous-sol de granges de fermiers isolés, permettant de convoyer un peu partout aux Etats-Unis les fuyards chanceux ayant échappé à la vindicte populaire et aux milices féroces. Souvent les itinéraires étaient hasardeux et périlleux et l’on n’en réchappait pas toujours. Malheur aux Blancs qui se faisaient prendre car ils connaissaient un sort funeste guère moins réjouissant que celui réservé aux fuyards repris, objets de pendaisons arbitraires et de tortures inimaginables.

C’est toute cette petite, mais importante, partie de l’Histoire américaine qu’entreprit d’illustrer Colson Whitehead dans ce roman. Outre l’intérêt de cette révélation, le roman de Whitehead présente le mérite de rendre compte de manière éminemment réaliste des conditions de vie des esclaves et des rapports de classe au sein de la population blanche des États confédérés. On sera un peu plus réservé sur la qualité intrinsèque de l’histoire qui sert de trame au roman tant elle multiplie les invraisemblances.

Qu’importe, le besoin irréfragable de bonne conscience des Américains valut au roman un Prix Pulitzer tout à fait en ligne avec les pratiques du jury depuis de nombreuses années. On trouvera beaucoup mieux au plan romanesque en littérature américaine contemporaine mais le principal intérêt du roman n’en reste pas moins historique.

Publié aux Éditions Albin Michel – 2017 – 401 pages