12.12.20

Comme un empire dans un empire – Alice Zeniter

 

Peut-on dire du dernier roman d’Alice Zeniter qu’il est raté ? À tout le moins, il est certain qu’il ne se dégage pas un enthousiasme débordant à sa lecture et que l’ennui pointe régulièrement son nez dans un récit qui tourne en boucle, se répète inutilement comme si l’auteur cherchait elle-même son souffle et sa ligne d’inspiration.

 

Alice Zeniter a voulu s’attaquer à une sorte de roman social contemporain. Celui de deux mondes qui s’affrontent à distance ou, à tout le moins, qui s’ignorent superbement et se regardent avec une franche hostilité. Celui des élus de la République d’un côté, auquel est lié Antoine, l’un des assistants parlementaires travaillant pour le compte d’un des rares députés socialistes rescapés des dernières élections législatives et n’ayant pas encore tourné casaque pour rejoindre les rangs de LREM. De l’autre, celui du Dark Web, des hackers, de cette armée d’Anonymes à laquelle s’est jointe L., une jeune femme d’origine arabe, autodidacte. Une spécialiste des lignes de code qui n’a pas hésité à prêter main forte à plusieurs opérations spectaculaires visant un capitalisme brutal, fracturant la société.

 

Pourtant, ces deux-là finiront par se rencontrer au hasard de fêtes et au gré des bouleversements dont leurs vies sont remplies. Une rencontre troublante, remettant bien des certitudes en cause. Une sorte d’épreuve, faite de paranoïa et de manque de courage, pour faire le tri et le point dans un monde en pleine déliquescence.

 

Si l’on apprend beaucoup de choses sur le monde des hackers et de l’internet interlope, on reste néanmoins de glace face à un récit qui, jamais, ne nous embarque. À force de vouloir traiter en vrac des gilets jaunes, du PS qui se fracture, de la gauche qui sombre, du capitalisme triomphant, du monde carcéral, du dark web, des hackers, des immigrants, des communautés, de la ruralité (et j’en oublie !), Alice Zeniter se noie dans une intrigue qui ne cesse de sauter d’un sujet à un autre, laissant l’impression que tout est lié mais que rien n’est compris. Il y a ici une tentation d’imiter Houellebecq, c’est certain. Mais n’est pas Michel qui veut et celle qui, jusque-là, avait fait montre d’un joli talent, s’est fourvoyée dans une impasse à vouloir traiter de sujets qui la dépassent. C’est ce qu’on appelle un plantage dans les grandes largeurs. Dommage…

 

Publié aux Éditions Flammarion – 2020 – 395 pages