7.4.20

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même manière – Jean-Paul Dubois


Depuis des années, Jean-Paul Dubois peaufine son art consistant à transformer personnages et situations ordinaires en histoires extraordinaires partageant leurs origines et leurs séquences, à l’image de leur auteur, entre les rives toulousaines et celles du fleuve Saint-Laurent et de la région des Grands Lacs. Un schéma qu’il reprend, en le magnifiant, dans son superbe dernier roman venant, enfin, justement récompenser une production à part, encore insuffisamment connue, d’un des grands romanciers français actuels.

C’est pour une fois dans un espace confiné que se déroule une grande partie du récit. Celui d’une cellule que, Paul, occupe à la prison Bordeaux de Montréal en compagnie d’un géant, genre mâle dominant, amoureux fou des Harley Davidson et membre des Hell Angels.

Pourquoi et comment Paul, un homme tranquille, un ancien intendant et homme-à-tout-faire d’une copropriété pour retraités aisés s’est-il retrouvé à partager le quotidien et les gestes les plus intimes, dans une cocasserie qui fait en partie le sel du roman, d’un type à la cervelle de moineau et aux muscles de titan ?

Commence alors une longue histoire qui nous promènera des plages sablonneuses du Jutland d’où est originaire le père de Paul, aux quais de la Garonne à Toulouse où son paternel officie comme Pasteur désormais marié à une femme superbe qui va transformer un petit cinéma de quartier en salle d’art et essai d’un genre de moins en moins compatible avec le ministère de son époux. Une promenade que les turpitudes paternelles transporteront ensuite au cœur du Canada francophone profond, quittant un temps les mines d’amiante à ciel ouvert pour fréquenter les lieux de perdition que sont casinos et champs de course tandis que la future compagne de Paul sillonne les cieux aux commandes de son petit Beaver spécialisé dans les navettes improbables.

Vu comme cela, cela pourrait tenir du délire. Tricoté par Dubois, cela devient un récit génial, drôle et triste à la fois, une façon tendre et caustique de regarder le monde, ce même monde que tous les hommes n’habitent pas de la même manière, provoquant discordes et catastrophes en tous genres. Jean-Paul Dubois signe là l’un de ses plus grands romans.

Publié aux Éditions de l’Olivier – 2019 – 246 pages