5.3.20

Danse noire – Nancy Huston



Milo, réalisateur de films, est en train d’agoniser dans son lit d’hôpital. Son compagnon dans la vie comme dans les films, Paul Schwartz, est à ses côtés convoquant les souvenirs d’une longue vie pleine de péripéties. Des souvenirs qui se bousculent, en vrac, dans le désordre du temps, des époques et des géographies comme autant de scènes de vie destinées à constituer la trame, le storyboard d’un nouveau film que nous voyons se construire sous nos yeux.

Des souvenirs, il y en a et de nombreux tant la vie de Milo fut mouvementée. Des souvenirs qui remontent, par les liens de parenté, jusqu’à la Première Guerre Mondiale, la révolte irlandaise, la guerre civile là-bas et l’émigration qui poussera des millions d’Irlandais ailleurs. Pour Milo et son grand-père ce sera le Québec et l’apprentissage forcé d’une autre langue que l’Anglais.

D’où, sans doute, la dualité linguistique permanente dans le roman qui se partage d’une part entre un français moderne neutre servant simplement de lien entre des tranches de vie relatées dans l’anglais approximatif et grossier parlé par les colons et les Indiens canadiens dont la petite prostituée que se partagent bien des hommes et, d’autre part,  le québécois chatoyant servant de sabir aux populations assez frustres de ce milieu de vingtième siècle où se déroule toute une partie du récit.

Les allergiques à la langue anglaise risquent d’être vite lassés (malgré les traductions en bas de page) tant les passages anglophones sont nombreux. Les autres risquent d’être déroutés par un récit déconstruit, collant en permanence aux séquences de souvenirs telles qu’elles jaillissent de la tête d’un homme mourant. Très vite, j’avoue avoir été perdu entre les personnages, les époques et les lieux. En même temps que mes repères s’estompaient disparaissait un intérêt pour un livre qui semblait prendre un malin plaisir à laisser en marge le plus grand nombre possible de ses lecteurs. Au final, j’avoue avoir abandonné à mi-parcours ce qui, me concernant, est rare mais révélateur…

Publié aux Éditions Actes Sud – 2013 – 348 pages