7.3.20

La femme qui avait perdu son âme – Bob Shacochis



Bob Shacochis est l’auteur de romans rares et fleuves. Des romans qui dénoncent certains des travers de l’Amérique et tout particulièrement cette irréfragable volonté de se poser en gendarme du monde, en faiseur de roi comme en fomenteur de révolution. « La femme qui avait perdu son âme » s’inscrit dans cette lignée mélangeant thriller, roman noir, romances et manipulations en tous genres.

La femme en question c’est Renée Dungan, une jeune femme à la mi-temps de la vingtaine, que l’on vient de retrouver assassinée en pleine nuit quelque part sur l’île d’Haïti. Une femme aux multiples identités et aux multiples vies. Sous le nom de Renée, elle est l’épouse d’un personnage plus que louche, narcotrafiquant et informateur du FBI dont on soupçonne qu’il pourrait être le commanditaire de son meurtre. Mais elle fut aussi Jackie Scott, une photo-reporter sillonnant Haïti pour effectuer des reportages sur les cérémonies vaudou. L’on découvrira bien vite qu’elle s’appelle en réalité Dottie Kovacevic, fille d’un diplomate américain plongé jusqu’au cou dans toutes les activités louches et guerrières de son pays, confondant parfois intérêts nationaux et règlements de comptes personnels.

Pour suivre cette femme aussi splendide que trouble Bob Shacochis élabore un roman-fleuve nous emmenant en ex-Yougoslavie, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, où tout commence, à Istanbul où l’on découvrira la perversité paternelle, aux États-Unis où se fomentent les assassinats politiques et les complots à échelle internationale sur des golfs de green, en Croatie où tout se terminera sans oublier de multiples aller-retours sur l’île d’Haïti où corruption et règlements de comptes permanents font bien les affaires de tout ce que le monde louche compte de profiteurs et d’agitateurs. Car agir contre le terrorisme, contre les criminels, contre ceux qui sont en butte avec la super-puissance américaine nécessite de constants et secrets voyages de par le vaste monde.

Difficile d’aimer dans ces conditions où la violence est permanente et où la plupart des protagonistes se dissimulent sous des identités aussi fausses que multiples. Seule la duperie compte. Et quand l’amour point le bout de son nez, c’est pour mieux disparaître tant la fureur du monde n’attend pas.

Certains adoreront sans doute ce roman ambitieux par son propos et sa distance ; d’autres détesteront, tant l’auteur semble parfois se noyer dans des détails sans réelle importance, fouiller à n’en plus finir des histoires qui s’entremêlent en un gigantesque puzzle qu’on n’aura jamais fini d’assembler. Pour notre part, nous avons été quelque peu échaudé par la longueur d’un roman qui n’en finit plus et qui aurait gagné à être ramassé. L’auteur aura fini par nous épuiser et nous lasser…

Publié aux Éditions Gallmeister – 2015 – 791 pages